Bonjour,
Merci pour la réflexion ambitieuse que vous lancez ici.
Sur ce sujet complexe et nourri de nombreuses représentations difficiles à contrôler, je pense qu’il est utile de se poser la question des catégories que nous mobilisons. En particulier il me semble que certaines de ces questions, par leur formulation, nous empêchent de réfléchir à certains aspects du problème.
Par exemple, en posant la question "Est-ce le système de financement qui ne suffit pas, ou son mode de contribution qui n’est plus adaptés (en majorité cotisations sur le travail) ? est-ce le résultat de la crise économique ?" on se prive d’une partie d’explication qui me paraît très importante.
Comme le signalent François Ruffin dans le diplo (https://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/RUFFIN/15507#nb3), ou Michel Husson dans ce document (http://hussonet.free.fr/parvabis.pdf), la configuration financière du capitalisme que nous connaissons depuis une quarantaine d’années repose sur des institutions très défavorables aux travailleurs, notamment avec le chômage de masse qui pèse fortement sur le mécanisme de formation des salaires. Le résultat est tout à fait frappant (en constamment occulté comme le dit Ruffin) : la part des salaires dans le PIB a baissé spectaculairement (presque 10% entre 1983 et 2006) ; or cette part salariale est l’assiette sur laquelle les cotisations salariales son prélevées (dixit Lapalisse).
A côté des alternatives d’un système de financement insuffisant, inadapté ou mis à mal par la (dernière) crise économique, je pense qu’il faut donc considérer l’impact d’une modification des structures sociales économiques sur un système préalablement "suffisant"et "adapté". Et il faut également considérer cette modification des structures pour ce qu’elle est : le fruit de décisions politiques conscientes (et non pas le déroulé inéluctable de l’Histoire).
On m’objectera que cet impact montre précisément que le financement par cotisation sur les salaires, n’étant plus adapté aux nouvelles structures économiques, est devenu insuffisant. Mais cette façon d’envisager le problème fait du financement par cotisations la variable d’ajustement, à adapter à des structures socio-économiques invariantes (voire favorisant de plus en plus le capital au détriment du travail). Je pense qu’on peut voir tout cela autrement : la cotisation salariale est un levier d’émancipation comme l’explique Bernard Friot (https://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/FRIOT/47384), et ce sont donc nos institutions (en particulier économiques) qui mériteraient d’être transformées. A cette argument de la valeur intrinsèque de la cotisation (qui vaut également pour les retraites), s’ajoute celui de l’inanité des structures socio-économiques actuelles, qui font systématiquement prévaloir les systèmes par capitalisation, inefficaces comme le montre le cas américains, et pour le coup très sensibles aux crises économiques (l’argent prélevé est dans le bilan des banques et autres hedge funds qui le jouent en permanence sur les marchés financiers ...). Tout cela pour ne même pas parler de ce qu’on appelle la casse sociale, qui garnit nos cabinent de patients abîmés (voire détruits) par leur travail.
Je pense que nous avons intérêt à replacer le problème du trou de la sécu dans un contexte plus large, en sortant d’une vision purement économétrique, pour poser nos questions un peu différemment : quelles évolutions sociales et économiques ont causé l’apparition du trou de la sécu (phénomène tout à fait récent dans l’histoire de cette institution) ? Est-il souhaitable de chercher à s’adapter à cette évolution ? Quelles alternatives ?
Désolé c’est un peu long.
Bien à vous,
Martin
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