Sur le plan des principes, je n’ai pas de réticences à partager l’analyse de Martin.
Sur celui de la pratique, je serais plus nuancé.
1. Il faut prendre garde à ne pas sous-estimer l’adversaire dans sa capacité formidable à intégrer les critiques qui lui sont faites pour en émerger plus fort encore. Le discours néo-classique sur les bienfaits de la concurrence n’est plus, par exemple, servi qu’aux gogos. Il y a belle lurette que le système use et théorise des monopoles. De même qu’il sait depuis longtemps nuancer et complexifier ses fonctions de maximisation ¬ voir, à titre d’illustration, les réflexions des prix Nobel d’économie sur l’intégration dans le calcul du PIB des « déséconomies externes » ¬ i.e. les nuisances collatérales de la croissance. Même la Banque mondiale s’y est mise, qui introduit aujourd’hui ces nuisances comme critères de jugement, au moment d’évaluer les projets de développement.
2. Je suis d’accord avec l’opinion de Martin selon laquelle les modèles mathématiques utilisés en économétrie ne servent le plus souvent qu’à confirmer les hypothèses qu’on y a introduites. Mais, là aussi, rares sont ceux qui nourrissent à ce sujet les illusions en cours dans les années 60. L’intérêt de ces constructions ne réside plus que dans leurs vertus pédagogiques (l’identification des contraintes économiques, sociologiques et autres, qui pèsent sur nos choix) ainsi que dans l’étude de variantes opposées de contraintes ou décision données. Ce qui revient à s’intéresser à ces fameuses hypothèses, trop souvent occultées, évoquées également par Martin. Le meilleur exemple, dans le cas qui nous occupe est celui de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales. Elles sont basées implicitement sur le comportement de maximisation de leurs revenus par les entrepreneurs qui en sont les bénéficiaires. Mais que se passet-il si, au lieu de créer ¬ ou préserver ¬ des emplois, lesdits bénéficiaires s’en servaient pour distribuer des dividendes ou financer leurs achats immobiliers ? Cela s’appellerait un « effet d’aubaine »… et voilà comment réapparaît le trou de la Sécu. Le modèle économétrique, ici, sert à deux choses : d’abord lister et identifier de la manière la plus méthodique possible les principales hypothèses ; ensuite, étudier ce qui se passe quand on les fait varier. C’est, à mon sens, tout ce que l’on peut lui demander.
3. A mon sens, ce que fait le mieux ressortir notre échange, c’est l’occasion manquée du débat démocratique. L’intérêt de faire discuter entre eux quelques techniciens triés sur le volet à propos du niveau convenable des dépenses de santé est nul. C’est pourtant ce qui se passe, au sein des Ministères. Je n’ai pas entendu dire, en revanche, que des forums citoyens locaux, puis à plus large spectre, aient jamais été conduits pour décider de la validité des hypothèses à la base des décisions.
Voilà ce que je voulais dire à propos de l’économétrie, soit, en bref, qu’elle ne méritait ni cet honneur, ni cette indignité !!!
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