cordel 82 les discriminations, ça nuit à la santé

mercredi 10 janvier 2024
par  Outils du soin, Salomé Chaumette
popularité : 8%

L’histoire de certain.e.s d’entre nous est parfois une succession de difficultés et d’impossibilités qui peuvent surprendre, sidérer, irriter voire décourager, à la fois nous-mêmes comme les personnes qui nous entourent, y compris les soi-gnant.es. Et si c’était le fait de discriminations ? Et si c’était le fait de la superposition, de l’intersection de plusieurs d’entre elles ?

Des discriminations à identifier

« La discrimination est un traitement inégal fondé sur l’application d’un critère illégitime » écrit Didier Fassin, médecin et anthropologue. Certaines personnes subissent des discriminations en raison de leur couleur de peau, leur genre, leur orientation sexuelle, leur handicap (validisme), leur poids (grossophobie), leur statut social ( classisme), leur religion, leur origine, leur âge, leur accent…Parfois cela retentit gravement dans la vie des gens. Pourtant les soignant.es et les patient.es ne mesurent pas toujours l’impact de ces discriminations. Elles s’additionnent et s’alimentent. Pas un domaine de l’existence n’y échappe : l’école, le travail, la famille, l’administration, l’hôpital et les autres lieux de soin …

Tenir compte des rapports de domination dans la société y compris dans le soin

Nous sommes les héritièr.es de sociétés de classes avec un passé colonial qui ont créé des hiérarchies dans lesquelles cha-cun.e de nous est pris.e. Même si on lutte contre, on n’a pas toujours les moyens de les défaire. En revanche, on peut mettre les « bonnes lunettes », en tenir compte et agir.
Les discriminations créent des fragilités par le biais d’humiliation, de harcèlement, de mise à l’écart... tout type d’agression qui s’inscrit dans une accumulation pas toujours facile à démasquer. Elles peuvent entraîner des phénomènes de culpabili-sation, de dévalorisation, perte d’estime de soi…,analogues à ceux rencontrés chez les enfants battus ou toute personne victime de violences.

Les discriminations ont des conséquences sur la santé :

 sur la santé physique : trouble du sommeil, problèmes digestifs, douleurs, hypertension, prise de poids …
 sur la santé psychique : anxiété, honte, sidération, blocage, sentiment de dévalorisation, dépression, suicide… dans un véritable syndrome de stress post-traumatique chronique, répété, à bas bruit.
Elles ont aussi des conséquences sociales : isolement, rejet familial, précarisation, échecs (scolaire ou professionnel), exclu-sion, renoncement aux soins. L’impact des discriminations est important et trop souvent minimisé par les personnes con-cernées, leur entourage et les soignant.es.
Le soin, un lieu de reproduction des dominations comme les autres ?
Dans le soin, la situation est asymétrique, les soignant.es sont en position de pouvoir.
Or, bercé.es par l’illusion du serment d’Hippocrate, les soignant.es ont très souvent l’impression d’être neutres et de soi-gner tout le monde de la même façon.. Pourtant ils et elles sont aussi susceptibles de reproduire ces discriminations ou au moins de ne pas en prendre la mesure.
Racisme, homophobie, sexisme, grossophobie, mépris de classe, psychophobie, validisme, rejet de l’étranger etc. Ces pré-jugés entraînent des refus de soins, une mauvaise appréciation des conséquences des difficultés sociales (retards, rendez-vous loupés à cause du travail ou d’autres démarches, difficultés à payer les frais de santé, etc).
Pour les patient.e.s, cela majore le risque de renoncement aux soins (par crainte d’être mal accueilli.e, mal jugé.e, de ne pas se faire comprendre). Tout cela fait le lit de retards diagnostiques voire d’erreurs médicales. Ce sont les mêmes méca-nismes qui sont à l’origine d’échecs répétés dans les démarches administratives qui deviennent alors des parcours d’obstacles où même les personnes ressources peuvent, par incompréhension, participer à cet engrenage.

Quels outils pour mieux (se) soigner, qu’on soit soignant.e, aidant.e ou patient.e ?

Y penser comme facteurs de risque de problème de santé (comme on sait le faire pour le tabac et ou la sédentarité…)
Les repérer : Accueillir et écouter les patient.e.s, formuler « je vous crois » des violences subies est aussi de mise ici. « Mettre les lunettes » pour voir les discriminations à l’oeuvre, sans réduire les personnes à ces critères.
Y penser quand on ne comprend pas, ou qu’on s’agace face à une situation vécue comme trop complexe.
Le danger serait de psychiatriser face à aux coups durs de la vie, aux injustices, tout comme de ne pas prendre en compte les traumas affectifs individuels.
Ne pas reproduire  : repérer aussi chez soi, en tant que soignant.e. quand est ce que ça nous est arrivé d’être discrimi-nant.e. Il ne suffit pas d’être femme pour se prémunir du sexisme.
Permettre d’en parler. Nommer ensemble : c’est un moment délicat, qui nécessite clarté mais aussi respect, pour ne pas rajouter du malheur ou de la honte .
Sortir de la paralysie. Agir : Le soin, moment privilégié où le lien de confiance peut s’établir, a peut-être un rôle à jouer pour inverser le cercle vicieux et élaborer des stratégies pour éviter ou surmonter les obstacles, en sécurité. Se donner les moyens concrets pour soigner de façon équitable, ex : prendre un rendez-vous de spécialiste en secteur 1 pour une personne en situation de vulnérabilité, avoir recours à un interprète professionnel pendant la consultation...
Partager. Se former  : ne pas rester seul.e, partager les outils, (groupe de patients, relais associatifs

des citations

« je donnerai mes soins sans distinction »
Serment d’Hippocrate
« si l’exclusion a ses victimes, elle a aussi ses acteurs »
Noelle Lasne
« j’ai supplié le jeune chirurgien de me dire ce qu’il allait me faire. Il s’est planté devant mes cuisses ou-vertes, en hurlant : » je ne suis pas le plombier. »
Annie Ernaux L’évenement Gallimard 2000 (scène où elle relate l’accueil à l’hôpital après l’avortement clandestin subi à 23 ans)
« Rien ne serait pire qu’un témoignage dans le vide,
parce que le sida est moins indicible qu’inaudible.
Comment faire, non pas parler, mais entendre ?
Il me semble que nous avons escamoté la difficulté
et que nous sommes partis de l’idée confuse que
si les muets parlaient, les sourds entendraient. »
Pierre Kneip, en 1990 militant à Aides avant de créer la ligne d’écoute téléphonique Sida Info Service

« Le jour où j’ai mis des lunettes…. »

 quand j’ai compris que les rendez-vous de consultation manqués répétitivement par une patiente philippine employée de maison étaient dus au fait qu’à chaque fois sa patronne menaçait de la licencier si elle partait plus tôt.
 quand dans un cabinet, j’ai vu une affiche de salle d’at-tente : si vous pensez être victime de discriminations, ici on peut en parler. »
 quand j’ai entendu à la radio l’histoire tragique de cette jeune femme avec un nom à consonnance étrangère qui n’ a pas été prise au sérieux par le Samu et qui est morte.
 quand une dame en surpoids à qui on a conseillé de faire du sport m’a raconté qu’en se présentant en salle de sport, on l’a fait se peser devant tout le monde et on lui a refusé l’inscription parce que trop grosse.
 quand une patiente m’ a raconté que dans un service hospitalier, on la considérait comme menteuse parce qu’on ne comprenait pas ce qu’elle avait.
 quand j’ai réalisé que je changeais ma voix et mon ac-cent pour obtenir un RV médical.
 quand mon fils a osé me dire qu’il avait subi des con-trôles au faciès, cela m a rendue malade, j’ai perdu ma tranquillité.

Des faits, des chiffres, des liens

Les discriminations dans le système de santé français : un obstacle a l’accès aux soins (Ined. Joshua Rivenbark, Mathieu Ichou, 2020, BMC Public Health)
 Les cadres bénéficient en moyenne de temps de consulta-tion plus longs en médecine générale (drees : etudes et resul-tats 481 avril 2006)
 "Les refus de soins discriminatoires", Rapport du Défenseur des droits, 2019, étude par testing sur les discriminations liées à la vulnérabilité économique et l’origine supposée des pa-tients, qui pointe le caractère polymorphe des formes de re-fus de soins.
 Intersection entre sexisme et culturalisme. syndrome médi-terranéen, « le ’syndrome med’, une stigmatisation par caté-gorisation des conduites de maladies », revue Medecine 2020. Myriam Dergham et Rodolphe Charles
 Injustice obstétricale : une approche intersectionnelle des violences obstétricales (Mounia El Kotni, Chiara Quagliarello), Cahiers du genre 2021 /2 (n)71), ages 107- 128
 Les bébés noirs soignés par des médecins noirs ont plus de chances de survivre aux Etats-Unis Black babies more likely to survive when cared for by black doctors – US study (ref Guardian), PNAS aout 2020
 Grossophobie : « le serment d’Augusta, épisode1, : je pense-rai les corps en dehors de la norme » podcast sur Bing audio, collab Sorbonne université
 Santé mentale des adultes selon l’orientation sexuelle et violences subies – Résultats du Baromètre santé 2017. Bulle-tin Epidémiol Hebd. 2021 El Khoury Lesueur Fabienne,
 22°/° des personnes handicapées sont confrontées à un re-fus de soin. Enquête Handifaction ; résultats Octobre 2023


ce cordel peut, comme tous les autres cordels, être imprimé, en un A4 recto verso, plié en 4, à mettre dans sa poche, à lire, à partager, à accrocher sur une corde à linge dans des salles d’attentes, des lieux de soin, des lieux publics, des facultés, des locaux syndicaux. Cet outil en accès libre est destiné à toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à la question du soin, du corps, et de la société.
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