Cordel 89 : Fin de vie : les directives anticipées, y penser, les rédiger
par ,
popularité : 2%

Pourquoi :
Les directives anticipées (DA), c’est l’expression écrite de ce que veut une personne pour la fin de sa vie, et pour le moment de sa mort, pour ce qui est des décisions de traitement, d’arrêt de traitement, pour la douleur, pour le confort, l’alimentation et la relation avec ses proches.
Ce document doit être facilement accessible. Il peut être rangé chez soi avec ses papiers personnels, confié à ou aux « personnes de confiance », à son médecin..., ou déposé dans un registre, tel celui de l’« Association pour le droit de mourir dans la dignité » (ADMD), ou dans son « dossier médical partagé », par exemple.
Il s’agit de faire connaître à l’équipe médicale qui nous accompagnera, pour faciliter des choix qui restent souvent complexes, ce qu’on veut, et ce qu’on ne veut pas, au cas où, à ce moment-là, on ne serait pas en état de l’exprimer verbalement, quelle qu’en soit la raison : coma, impossibilité de parler, d’écrire, etc.
Le cas particulier des « altérations prévisibles du discernement », par exemple un diagnostic de maladie d’Alzheimer, est difficile, et frustrant : il n’est pas possible dans la loi actuelle, ni dans les projets de loi, d’autoriser une aide médicale à mourir dans ce cas. Le fait d’exprimer néanmoins ce désir peut aider une équipe ou un entourage ouvert et compréhensif.
Quelle que sera la loi future, quelles que seront les circonstances de fin de vie, c’est important pour celles et ceux qui accompagnent de SAVOIR ce qui a été choisi par la personne.
Comment :
On peut les écrire sur papier libre. On peut préciser « conformément à l’article 8 de la loi du 2 février 2016 ». On peut aussi prendre un modèle, tels que ceux proposés par la Haute autorité de santé (HAS) ou des associations comme « Le Choix - Citoyens pour une mort choisie » ou l’ADMD.
Il s’agit de mentionner les actes médicaux dont on ne veut pas au cas où il n’y a pas de possibilité de récupérer les fonctions principales de la vie. (Ca ne concerne pas les actes faits lors des urgences, à un moment où on ne peut préjuger de l’avenir.)
Tout le monde est différent : certain.es, mais pas toutes, ni tous, refusent l’idée d’une fin de vie prolongée par un gavage, une dialyse rénale et ses contraintes, d’autres une ventilation artificielle au long cours imposant un coma permanent. D’autres encore ne voudront pas supporter une aide permanente pour assurer toutes les nécessités de la vie.
On peut exprimer ce qui est autorisé par la loi en vigueur, mais on peut aussi ajouter ce qu’on souhaite qui n’est pas autorisé, mais qu’on souhaite vraiment. Par exemple : « Dans ce cas, je souhaite être aidé.e à mourir par un médicament ».
Quand :
Quand les écrire ? Dès qu’on y pense… En sachant qu’on change de point de vue au fil du temps et des évènements, au fil des pathologies qui arrivent, au fil de l’âge. Il faut donc les actualiser régulièrement, en annulant les précédentes. L’ADMD recommande de le faire tous les 3 ans.
Quand s’y référer ? Ce sera l’affaire de l’entourage. C’est pourquoi il est important d’avoir désigné ses « personnes de confiance ».
Apprivoiser les réticences du corps médical
En France, les médecins ont été formés à penser que le but de la médecine est la guérison à tout prix, et à mettre au second plan l’accompagnement des patients au long de leurs pathologies. Encore aujourd’hui, beaucoup de médecins refusent de penser que aider quelqu’un à mourir le plus paisiblement possible fait partie de leur mission. Il est important de tenir compte de cela dans la discussion avec le corps médical et de trouver les mots respectueux des convictions de chacun, patient, famille, médecin.
« Notre mère ne veut plus vivre, nous sommes tous d’accord, est-ce qu’il y a quelque chose de possible ? »
Il faut s’exprimer de manière ouverte mais claire, tout en étant prudent et habile. C’est précieux de tisser des alliances avec les médecins et l’équipe soignante.
Désigner sa ou ses personnes de confiance.
On peut désigner une à trois personnes, qui sauront exprimer ce que j’aurai dit ou écrit auparavant, au cas ou je ne serais plus capable physiquement de le faire. Ce peut être une personne de la famille, ou pas. C’est sans doute bien d’avoir un médecin parmi elles, mais pas n’importe lequel.
Avoir le choix du moment de sa mort, c’est avoir dit au revoir, être accompagné.e, et être sûr.e que "tout se passera bien". Et avoir le choix, ça veut dire que peut-être, on ne choisira pas ça : mais on pourrait.
Quoiqu’on ait pensé auparavant, on aime souvent la vie plus qu’on ne le croyait avant. Malgré tout, savoir qu’on peut choisir, c’est apaisant.
un exemple concret de formulation de directives anticipées
Je soussignée : Mme X..., née le …, demeurant…, courriel…, téléphone…
Déclare rédiger ce document de mes directives anticipées en toute liberté, sans pression extérieure et en pleine possession de mes facultés.
Si je venais à perdre mes moyens intellectuels et physiques, je vous demande de respecter les volontés suivantes :
* aucun acharnement thérapeutique (réanimation, dialyse, et toutes opérations qui prolongent artificiellement la vie (art L 1110-5 du code de la Santé publique)
* que l’on soulage efficacement mes souffrances même si cela a pour effet secondaire d’abréger ma vie (art L 1110-5 du code de la Santé publique)
* que, si je suis dans un état pathologique incurable, je puisse bénéficier d’une sédation terminale (comme l’autorise l’article L 1110-5 du code de la Santé publique)
* une aide active à mourir en cas de souffrance ou d’absence de vie cérébrale.
Je désigne mes personnes de confiance :
M X…. Nom, prénom, date de naissance, adresse
M X…. Nom, prénom, date de naissance, adresse
M X…. Nom, prénom, date de naissance, adresse
Je décharge mes personnes de confiance, les médecins et soignants de toute responsabilité, puisqu’ils agissent selon ma volonté, en conformité avec mes directives anticipées, dans le respect de ma liberté et de ma dignité.
Date :
Signature :
Citations
« S’il faut mourir, songeait-il, et c’est clair qu’il le faut, je peux mourir. Mais je déteste ça. "
Ernest Hemingway, Pour qui sonne le glas, Poche Folio
« Un riche laboureur, sentant sa fin prochaine ,
fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. »
Jean de La Fontaine, Fables, éd. originale 1668-1693
« J’ai choisi la mort douce,
Surtout pas de violence,
S’en aller un soir de lune rousse,
Juste un soupir, juste une somnolence,
Laissez-nous partir de douce euthanasie,
Laissez-nous partir. Au revoir et merci. »
Christie Rieuf, Mourir de belle mort, ADMD, 2023
« Oseras-tu bientôt mon âme,
T’aventurer avec moi dans les régions inconnues,
Où il n’y a plus sol sous les pieds,
Ni sentier pour les pas ? »
Walt Whitman, Feuilles d’herbe, traduction Jacques Darras, Poésie, Gallimard, 2002
Mots clés
– Fin de vie : période de la fin des fonctions vitales où la perspective de la mort se rapproche du fait de la maladie ou de l’âge.
– Soins palliatifs : manière de soigner qui met au premier plan les soins de confort et de vie relationnelle. Ca se pratique dans des services spécialisés à l’hôpital ou avec l’équipe mobile à domicile ou en institution.
– Sédation profonde et continue jusqu’au décès : c’est l’administration de calmants à des doses efficaces jusqu’au moment de la mort. C’est déjà autorisé par la loi Claeys-Léonetti, mais utilisé seulement en extrême fin de vie.
Aide active à mourir (AAM) : C’est l’aide apportée par une équipe médicale, que ce soit pour aider et accompagner un suicide : suicide assisté (SA), ou que ce soit par une injection mortelle : euthanasie.
Où trouver des modèles de formulaire de Directives anticipées :
– Haute autorité de santé https://www.has-sante.fr
– Association pour le droit à mourir dans la dignité, ADMD https://www.admd.net/
– Le Choix - Citoyens pour une mort choisie https://choisirmafindevie.org/
– Soins palliatifs https://www.sfap.org
Des films qui plaident pour le droit de choisir sa mort
« La Chambre d’à côté » de Pedro Almodovar, Lion d’or à la Mostra de Venise 2024, sur les retrouvailles de deux amies autour de la demande de l’une à être accompagnée jusqu’à son suicide.
« On ira » de Enya Baroux, 2025, une comédie dramatique pleine d’émotion autour d’un voyage vers la Suisse.
« Le Dernier souffle » de Costa-Gavras, 2025 , un dialogue entre un médecin et un écrivain autour de la fin de vie, un voyage sensible entre rires et larmes.
Cordel écrit par Martine Devries, médecin généraliste et membre de l’association Le Choix - Citoyens pour une mort choisie et le collectif des Outils du soin au cours du café-cordel du 8 mars 2025 www.outilsdusoin.fr, cordel n° 89, mai 2025
Collectif Outils du soin, Septembre 2024
cordel : petit fascicule brésilien de poème ou écrit subversif accroché à une corde à linge et vendu dans les marchés.
pour visualiser et imprimer le cordel, cliquer sur la vignette ci dessous
( il s’agit d’un document A4 recto verso , à imprimer et ensuite à plier en 4 , pour en faire un "cordel" à l’image des cordels brésiliens petit fascicule d’écrit subversif ou de poème accroché à une corde à linge et vendu dans les marchés )
Commentaires